1. Les partis europhiles restent majoritaires dans un Parlement européen fragmenté
Pour la première fois depuis 1979, les conservateurs du Parti Populaire Européen (PPE) et les socialistes du S&D ne seront pas en mesure de former une coalition majoritaire au Parlement européen. A 23,8% des suffrages, le PPE atteint son deuxième plus mauvais score historique. Jamais, avec 20% des voix, le S&D n’avait quant à lui connu un tel étiage.
Les libéraux de l’Alliance démocratique et libérale (ADLE) et les Verts/ALE atteignent au contraire des scores historiquement élevés pour leurs groupes politiques, à 14,2% et 9,3% respectivement. Si l’ADLE dépasse les 100 élus grâce notamment à l’arrivée d’une forte délégation d’élus d’En Marche, la vraie surprise vient des partis écologiques, portés par leurs très bons résultats en Europe de l’Ouest et du Nord.
Cette nouvelle configuration politique permet à ces quatre grands groupes résolument pro-européens de dépasser les 2/3 des sièges du Parlement européen et de contrer la montée en puissance des partis europhobes.
Grand enjeu de ce scrutin, les partis eurosceptiques à l’extrême droite de l’échiquier ont en effet connu une forte poussée qui reste toutefois contenue. Le groupe Europe de la liberté (ENL) de Matteo SALVINI et de Marine LE PEN totalise 7,7% des voix, celui de l’Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) de Nigel FARAGE, 7,2%. Le groupe souverainiste des Conservateurs et réformistes européens (CRE) recule de 10,1% à 7,7%, affaibli par l’échec des Tories de Theresa MAY mais porté à bout de bras par le Parti Droit et Justice, le parti au pouvoir en Pologne.
A l’opposé de l’échiquier politique, l’extrême gauche européenne est en recul, à 5,2% des votants contre 6,9% en 2014.
A noter enfin la forte participation pour un scrutin européen : c’est la première fois depuis 1994 qu’elle dépasse les 50% des inscrits.
Source : Parlement européen
2. Pas de révolution annoncée dans la dynamique interne du Parlement européen
Alors que les soirées électorales ont eu tendance à se focaliser sur les conséquences nationales de ce nouveau scrutin européen, les résultats des élections européennes annoncent certaines évolutions – mais aucune révolution – dans la dynamique politique du Parlement européen.
3. Le casse-tête de l’influence française au Parlement européen
Au lendemain des résultats des élections européennes, la question de l’influence française au cours de la législature qui s’ouvre se pose:
Compliqué, dans ces conditions, d’envisager que la délégation française au sein du Parlement européen – qui comptera un nombre important de nouveaux députés (20 députés sortants sur 74 nouveaux élus) – dispose d’une influence correspondant à son poids « numérique » dans le cadre de la législature qui s’ouvre. Il faudra ainsi que les acteurs français trouvent d’autres relais s’ils souhaitent que leurs positions soient entendues.
Une fois les résultats officiels entérinés, un nouveau grand jeu va s’engager en vue d’une séquence longue qui s’achèvera à la fin de l’année 2019 avec la prise de fonction de la nouvelle Commission européenne et la nomination du futur Président du Conseil européen :
1. Les grandes manœuvres ont déjà débuté
Un sommet européen extraordinaire réunissant les chefs d’Etat membres se tiendra le 28 mai prochain à Bruxelles. L’enjeu, la répartition des postes clés de l’Union, en particulier :
Ces nominations seront le fruit d’un savant équilibre entre différentes considérations : les grandes familles politiques ; Europe du Nord, du Sud, de l’Ouest, de l’Est ; « petits » et « grands » Etats ; Etats fondateurs ou non ; et last but no least la parité. Sur la question très sensible de la nomination du président de la Commission européenne, les traités européens stipulent que les Chef d’Etats membre doivent prendre en compte le résultat des élections européennes. Le candidat du Conseil doit ensuite être formellement approuvé par le Parlement européen en session plénière.
Manfred WEBER, le chef du groupe PPE, arrivé en tête le 26 mai en soir, serait le candidat naturel mais de nombreux Etats membres et de parlementaires européens s’y opposent fermement. Le Néerlandais Frans TIMMERMANS, pour les socialistes, et la Danoise Margrethe VESTAGER pour les libéraux pourraient être plus consensuels.
Le Conseil devra formellement d’entendre lors de leur sommet prévu les 20 et 21 juin. Leur candidat sera soumis au vote lors des sessions plénières de juillet. Une fois élu, ce dernier devra constituer son collège des Commissaires qui sera auditionné devant le Parlement européen en septembre et en octobre, pour une prise de fonction le 1er novembre.
2. La formation des groupes politique du Parlement européen
Les députés européens vont s’organiser en fonction de leurs affinités en différents groupes politiques qui réunissent au moins 25 députés de 7 Etats membres différents. Pour conclure ces pactes en amont de la première session plénière de la 9e législature, 6 des 8 groupes de la 8e législature ont d’ores et déjà fixé leurs réunions constitutives. Les réunions des groupes ENL et ADLE devraient revêtir des enjeux plus importants que les autres puisque l’identité des membres du groupe ENL n’est pas encore stabilisée et que la gouvernance – mais aussi le nom de l’ADLE – devraient être l’objet d’intenses négociations.
A noter que les équilibres seront modifiés si le Royaume-Uni sort effectivement de l’Union le 31 octobre prochain, au détriment des groupes parlementaires socialistes, verts et libéraux.
3. La désignation aux postes clés du Parlement européen
Lors de la première session plénière du Parlement européen qui se tiendra du 2 au 4 juillet 2019, les députés nommeront officiellement leurs collègues qui assumeront les fonctions clés au sein de l’institution :
Suite à ces nominations, les commissions parlementaires tiendront leurs premières réunions et éliront leur président, leurs vice-présidents et chaque groupe politique se choisira un « coordinateur », député incontournable ayant la charge de coordonner les travaux de son groupe politique et de donner (et faire respecter) les consignes de vote.