2016, ANNÉE DISRUPTIVE; 2017, ANNÉE POUR CONSTRUIRE (?)
L’année 2016 aura vu l’utilisation intensive de nouveaux concepts décrivant l’alliance entre nouvelles technologies et les stratégies de rupture vis à vis de systèmes en place: les termes « ubérisation » « fintech », « blockchain » et autres « démarches disruptives » se sont ainsi largement imposés tout au long de l’année.
Politiquement, un mouvement de fond a brutalement fait surface en 2016, remettant également en cause l’existant et rendant les relais d’influence classiques – médias, experts, organisations officielles, etc. – inaudibles face à la communication directe facilitée par les réseaux sociaux : le vote en faveur du Brexit au Royaume-Uni en juin a ouvert la voie un mouvement de « disruption politique ».
L’élection en novembre de Donald Trump, candidat autoproclamé de l’antisystème, à la présidence des Etats-Unis, a montré que la situation britannique n’était pas un phénomène isolé. De même, le 4 décembre dernier se tenait en Autriche le second tour de l’élection présidentielle et en Italie le référendum sur une réforme de la constitution.
Le premier scrutin a vu la disparition dès le 1er tour des partis traditionnels autrichiens au pouvoir depuis plus de 60 ans, et un duel inédit au second tour entre un candidat écologiste Alexander Van der Bellen, finalement vainqueur, et un candidat d’extrême droite, Norbert Hofer. Le vote italien aura de son côté sèchement emporté Matteo Renzi, le bouillonnant Premier ministre italien, sous les coups de boutoir du parti antisystème le Mouvement 5 Etoiles.
En 2016, il est ainsi apparu que chaque scrutin pouvait balayer les hommes en place et surtout les certitudes qui les accompagnent.
2017, année de rendez-vous et de défis pour l’Europe
En 2017, les rendez-vous démocratiques seront nombreux en Europe. Par conséquent, aux Pays-Bas en mars, en France en avril – mai, en Allemagne en septembre, et en République Tchèque en octobre, le vote antisystème, souvent antieuropéen, sera examiné de près.
Dans un contexte où tout vote devient porteur de risque politique, les défis sont pourtant multiples pour l’UE car il s’agira (entre autres) :
- sous réserve de l’avis de la Cour suprême britannique et de la notification de l’article 50 du Traité de l’Union européenne par Theresa May, d’engager les négociations entre l’UE et le Royaume Uni, en préservant l’unité des 27 Etats membres restant malgré des intérêts nationaux parfois divergents ;
- de construire une nouvelle relation avec les Etats-Unis de Donald Trump, qui s’est bruyamment félicité du vote en faveur du Brexit. Sa critique des accords de libre échanges, son hostilité à une partie de la régulation financière adoptée suite la crise de 2008 et son scepticisme vis-à-vis de de l’OTAN sont autant de changements de paradigmes que le Vieux continent devra prendre en compte dans la conduite de sa politique internationale ;
- de définir des rapports équilibrés avec son « étranger proche », en particulier la Turquie de Recep Erdogan ou la Russie de Vladimir Poutine ;
- de relever le défi migratoire ;
- d’apporter une réponse commune à la menace terroriste ;
- de réussir l’après Cop 21 de Paris et Cop 22 de Marrakech, malgré le changement d’administration américaine.
Cela, alors que les sources d’instabilité économique, financière et règlementaire sont nombreuses: l’Italie est en prise avec une partie de son secteur bancaire et la Grèce est toujours en grande difficulté économique et sociale.
En outre, les règles de Bâle III doivent toujours être finalisées, la taxe sur les transactions financières (TTFE), en suspens depuis 4 ans, pourrait finalement aboutir avant l’élection présidentielle française, une partie de la règlementation financière européenne (en particulier MIF II, CRD/ CRR, EMIR) est soit en cours de finalisation, soit de révision, sans compter les projets d’harmonisation fiscale portés par la Commission…
A l’horizon de cet agenda semé d’embûches se distingue un événement chargé en symbole(s): le 25 mars 2017 seront fêtés, à Rome, les 60 ans de la création de la Communauté économique européenne. Dans une Europe en plein doute, le seul fait pour les Etats membres de répondre, ensemble, aux défis auxquels ils font face dans un monde de ruptures, pourrait paradoxalement redonner tout son sens au projet initialement porté par les six membres fondateurs.
Louis-Marie Durand
EURALIA
Article publié dans la Lettre européenne de l’AFTI n°19, Septembre – Décembre 2016