Dans la continuité de l’adoption de la directive sur le reporting d’entreprise en matière de durabilité, notamment soutenue par la France, la Commission européenne souhaite désormais mettre l’accent sur la responsabilisation des entreprises, et de leurs dirigeants, sur l’ensemble de la chaine de valeur des produits et services qu’ils distribuent sur le marché unique.
L’objectif de l’initiative sur le devoir de vigilance est d’encourager un comportement durable et responsable des entreprises et d’ancrer les considérations relatives à l’environnement et aux droits de l’homme autant dans la gestion des activités quotidiennes que dans la gouvernance de l’entreprise.
Cette directive visera en particulier à :
- Renforcer la responsabilité des entreprises sur les potentielles externalités négatives dont elles pourraient être à l’origine ;
- Accélérer l’intégration dans les stratégies d’entreprise des mesures de gestion et d’atténuation des risques en matière de droits de l’homme et d’environnement tout au long de la chaine de valeur ;
- Harmoniser les exigences liées au devoir de vigilance au sein du marché unique et créer une sécurité juridique pour les entreprises et les parties prenantes en ce qui concerne le comportement et la responsabilité attendus de leur part tout au long de la chaîne de valeur ;
- Améliorer les voies de recours pour les personnes touchées par les incidences négatives des entreprises sur les droits de l’homme et l’environnement, notamment pour les personnes situées en dehors de l’UE.
Alors que les colégislateurs sont déjà bien avancés dans l’examen de la directive, plusieurs associations et fédérations représentantes de divers secteurs potentiellement concernés (grandes entreprises, PME, secteur financier, industrie du textile, du numérique entre autres) protestent contre les obligations que la future directive ferait peser sur les entreprises européennes.
Elles souhaitent en particulier alerter sur les potentiels coûts et contraintes que représenterait la mise en œuvre de la directive qui s’appliquerait du commencement de la chaine de valeur jusqu’à la commercialisation d’un produit ou service. La vérification des activités des sous-traitants et partenaires commerciaux, et le fait que les actions néfastes pour l’environnement et les droits humains que ces derniers seraient susceptibles de commettre, pourraient potentiellement leur être reprochées par la suite, représentent selon les organisations porte-paroles de l’industrie non seulement un coût mais aussi un risque pour les entreprises européennes.
Les représentants européens de l’industrie se positionnent donc en faveur d’une approche fondée sur le risque, d’après laquelle les entreprises européennes devront mettre en œuvre toutes les mesures possibles afin de prévenir et atténuer les impacts éventuels de leurs activités sur leur environnement sans qu’une obligation de résultat leur soit pour autant imposée.
Au contraire, plusieurs parlementaires issus de groupes politiques divers mettent en avant l’opportunité que représente cette directive pour les entreprises européennes d’asseoir leur réputation de « bons élèves » en ce qui concerne la performance extra-financière et le caractère durable de leurs opérations, sur le marché unique et au-delà.
La directive leur permettrait ainsi de développer un avantage concurrentiel dans le domaine de la durabilité et de se prévaloir, face aux entreprises hors UE, de standards de haut niveau pour le suivi et la vérification des opérations tout au long de la chaine de valeur, comme ce fut le cas l’année passée avec la directive CSRD qui pose les fondations d’un reporting extra-financier exigeant applicable aux grandes entreprises européennes et/ou opérant dans l’UE.
Outre la prévention de toutes incidences néfastes sur l’environnement et les droits humains, les parlementaires poussent également pour l’inclusion dans la directive d’une obligation pour les entreprises européennes d’élaborer un plan de transition écologique, en conformité avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par les Accords de Paris.
Dans l’attente de l’adoption d’une position formelle par le Parlement européen début mars, les discussions restent ouvertes quant à la portée de la future directive et l’étendue des obligations de diligences qui s’imposeront aux entreprises. Les parlementaires disent toutefois regretter le manque d’ambition de la Commission européenne et des Etats membres quant aux objectifs et obligations qu’ils souhaitent voir mis en œuvre : la création d’un devoir de vigilance européen serait selon eux l’occasion pour l’UE de défendre un modèle de production responsable en accord avec les objectifs de transition vers une économie plus durable qu’elle s’est fixés depuis déjà plusieurs années.
Dès lors que les parlementaires se seront accordés sur une position commune, les négociations interinstitutionnelles pourront débuter dans l’objectif de parvenir à un compromis entre Etats membres et parlementaires avant juin 2023.
Bruxelles, 28/02/2023
Auteur: Manon Quénel, Consultante chez EURALIA